13 Juillet 2022

Premières observations de Webb : l’Univers comme on ne l’avait jamais vu

Le télescope spatial James Webb vient de livrer ses premières observations de l’Univers. Admirez les images et découvrez la composition chimique des 5 objets pointés ! Des données inédites sont révélées : l’image la plus lointaine de l’Univers, des détails sur des étoiles naissantes ou à l’agonie, l’interaction entre des galaxies, l’influence d’un trou noir supermassif ou encore la présence d’eau dans l’atmosphère d’une exoplanète.

L’amas de galaxies SMACS0723 vu à gauche par l’instrument MIRI, et à droite par la caméra NIRCam : l’observation a été obtenue en 12,5 heures d’observation. L’instrument MIRI, conçu et réalisé par un consortium européen sous l’égide de l’ESA, est le seul permettant d’observer les poussières entourant les différents objets (les différentes couleurs illustrent la quantité de gaz et de poussière), un ingrédient important de la formation des étoiles. Crédits : NASA, ESA, CSA, STScl.

5 objets pointés en 100 heures

Après de longs mois d’attente, et un suspens poussé à son comble … La NASA a enfin révélé les toutes premières observations issues du télescope James Webb ce 12 juillet. La première image (ci-dessus) a été dévoilée par le Président Joe Biden lui-même. ” C’est une belle surprise et je suis très impressionnée par la qualité et la précision de ces observations”, confie spontanément Desi Raulin, cheffe de projet James Webb au CNES. Et pour cause : cette image en champ profond est l’observation la plus lointaine jamais réalisée. Dans cet amas, on observe des milliers de galaxies et les objets les plus petits et faibles jamais observés. Ces objets sont tellement lointains que nous les observons tels qu’ils étaient il y a 4,6 milliards d’années, le temps que la lumière (qui se déplace à 300 000 km/s) parvienne jusqu’au télescope. Pour la galaxie la plus lointaine, on remonte même le temps de 13,1 milliards d’années … soit presque l’origine de l’Univers

Au total, James Webb s’est tourné dans 5 directions différentes. À un rythme jamais égalé : 100 heures d’observation auront été nécessaires pour offrir toutes ces images spectaculaires. En comparaison, l’image en champ profond seule aurait nécessité des semaines d’observation au télescope spatial Hubble.

La nébuleuse de la Carène est une pouponnière d’étoiles bien connue. James Webb observe dans l’infrarouge, ce qui lui permet de voir à travers les poussières cosmiques : des étoiles naissantes et des jets protostellaires émergeants de jeunes étoiles sont pour la première fois observés grâce aux instruments NIRCam et MIRI. Crédits : NASA, ESA, CSA, STScl.

Depuis son lancement en décembre 2021, le télescope James Webb a parfaitement enchainé les étapes selon les délais prévus ! » s’enthousiasme Desi Raulin. Porté par les agences spatiales américaine (NASA), canadienne (CSA) et européenne (ESA) dont la France (voir encadré), le télescope James Webb est l’observatoire le plus puissant jamais lancé dans l’espace. Il se situe en orbite autour du Soleil à 1,5 millions de kilomètres de la Terre (cliquez ici pour le suivre en temps réel !). 

Son but ? Mieux comprendre les 1ers âges de l’Univers, étudier l’atmosphère des exoplanètes et mieux caractériser certains corps du système solaire.

Ces premières images, dont la plus profonde jamais prise de l’Univers, démontrent les capacités des instruments scientifiques de James Webb à aider à répondre à ces objectifs initiaux

Desi Raulin, cheffe de projet James Webb au CNES.

Le télescope présente pour cela une caractéristique majeure : observer uniquement dans l’infrarouge, une gamme de rayonnement invisible à l’œil nu.

La nébuleuse de l’anneau austral, capturée à gauche par l’instrument NIRCam, à droite par MIRI. La nébuleuse est créée par la mort de l’étoile centrale : une deuxième étoile et son manteau de poussière sont pour la première fois observés grâce à MIRI. Crédits : NASA, ESA, CSA, STScl.

James Webb est équipé d’un miroir de 6,5 m de diamètre et embarque à son bord 4 instruments scientifiques de pointe : NIRISS/FGS, NIRCam, NIRSpec et MIRI. Ils fournissent des données inédites pour un télescope spatial : en premier lieu, des images infrarouges qui permettent de voir à travers les nuages de poussière et de gaz. MIRI – un instrument conçu et fourni par un consortium de laboratoires européens sous l’égide de leurs agences spatiales – est le seul à observer dans la gamme du moyen infrarouge. L’avantage : pouvoir mieux détecter des objets enveloppés de poussières. Sur l’image (ci-dessus) de la nébuleuse de l’anneau austral, seul MIRI permet d’observer – pour la première fois – la deuxième étoile au centre !  

Grâce à l’instrument européen NIRSpec (en bas de l’image) pour lequel la communauté française a été mobilisée, la composition chimique et l’âge des galaxies de l’amas SMACS0723 est révélée. Crédits : NASA, ESA, CSA, STScl.

 Desi Raulin, cheffe de projet James Webb au CNES. Crédits : CNES/Maligne Frédéric 2021.

Images et chimie grâce aux instruments européens

Autre instrument à bord : les spectrographes. Ils sont un véritable complément aux images infrarouges. En décortiquant la lumière arrivant sur le télescope, ils fournissent la température, la composition chimique, la vitesse ou encore l’âge de l’objet observé – étoile, nébuleuse, galaxie, atmosphère d’exoplanète. ”C’est un mode d’observation très important, il représente 73 % des observations scientifiques qui seront réalisées la première année”, indique Olivier La Marle, responsable du programme sciences de l’univers au CNES. 2 instruments contribuent particulièrement à ces observations : NIRSpec et MIRI. La conception et réalisation de ces instruments a fortement mobilisé la communauté française

Le groupe de galaxies bien connu, le quintette de Stephan, ”photographié” à gauche par NIRCam et MIRI, et ”décomposé” à droite grâce à la combinaison des caméras et spectrographes de MIRI et NIRSpec. Cette observation est riche en apprentissages sur les interactions entre galaxies ou encore sur la vitesse à laquelle les trous noirs supermassifs se développent. Crédits : NASA, ESA, CSA, STScl.

Ces toutes premières observations de James Webb démontrent la capacité du télescope à remplir sa mission scientifique : sur les 17 modes d’observation, 13 sont jugés déjà opérationnels par les équipes scientifiques. Durant cette étape, les équipes d’experts français ont été particulièrement impliquées, comme le raconte Desi Raulin : ”Nous nous sommes assurés du bon fonctionnement de l’imageur MIRIm, et n’avons rencontré aucun problème !

Les prochaines semaines seront consacrées à l’acquisition de nombreuses données pour constituer un catalogue des possibilités offertes par James Webb (la phase ‘Early Release Science’) : une vitrine très importante pour les scientifiques du monde entier intéressés par l’acquisition d’images à l’aide de James Webb.

13 programmes d’observation ont été retenus par le comité scientifique, dont 2 sont dirigés ou co-dirigés par la France

Olivier La Marle, responsable du programme sciences de l’univers au CNES.

Les instruments MIRI, NIRCam et NIRSpec vont ainsi observer les nuages de poussière de la nébuleuse d’Orion grâce à un programme proposé par l’IRAP-CNRS et financé par le CNES. Le télescope pointera ensuite la planète Jupiter pour scruter ses anneaux, ses lunes et son atmosphère. ”Ces images ne sont que le début de la phase d’observation scientifique, elles sont très encourageantes pour la communauté française. Je pense que James Webb va nous offrir de belles découvertes”, confie Desi Raulin. Galaxies, exoplanètes ou encore trous noirs supermassifs s’apprêtent à passer sous la puissante loupe de James Webb. 

Lancé par la fusée Ariane 5 en décembre 2021, le télescope James Webb est le plus grand et le plus puissant télescope jamais lancé dans l’espace. Crédits : CNES/ESA/Arianespace/Optique Vidéo CSG/P Piron, 2021.

Olivier La Marle, responsable du programme sciences de l’univers au CNES. Crédits : CNES/PIRAUD Hervé, 2013.

La présence d’eau dans l’atmosphère de l’exoplanète gazeuse WASP-96 est révélée par l’instrument NIRISS. L’un des objectifs de James Webb – pour lequel MIRI sera également mobilisé – est d’étudier les atmosphères d’une grande diversité d’exoplanètes, à la recherche notamment d’atmosphères similaires à la Terre. Crédits : NASA, ESA, CSA, STScl.

Un projet international

Le télescope James Webb est le fruit d’une collaboration internationale dans laquelle la France tient une place majeure. Le CNES a assuré la maitrise d’ouvrage de l’imageur MIRIm (l’un des deux composants de MIRI) et de son coronographe développés par le CEA (Commissariat à l'Énergie Atomique), le LESIA (Observatoire de Paris), le LAM (Laboratoire d'Astrophysique de Marseille) et l’IAS (Institut d'astrophysique spatiale, Orsay). Les différents programmes d’observation français sont également accompagnés financièrement et techniquement par le CNES. En participant à la mission Webb, le CNES soutient la communauté française astrophysique au 1er rang de la recherche mondiale et contribue à fédérer les chercheurs français.