8 Juillet 2022

Webb : le CNES, chef d’orchestre de la partition française

Les 1ères images en couleur du télescope spatial James Webb doivent enfin être diffusées au public par la NASA ce 12/07/2022. Retour sur une mission internationale grand format où les prouesses technologiques ont été rendues possibles par des équipes du monde entier. Avec, pour le CNES, un véritable rôle de chef d’orchestre
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© CNES

Dès le mois de juillet, le télescope spatial James Webb va prendre le relais du télescope spatial Hubble pour observer plus loin dans l’univers. Après 3 décennies de développement et 6 mois de tests en vol, le télescope va enfin entamer sa mission d’exploration scientifique. Développé par la NASA en coopération avec l’Agence Spatiale Européenne (ESA) et l’Agence Spatiale Canadienne (ASC), il a nécessité de faire travailler des centaines de personnes de 14 pays différents. À son bord, 4 instruments, dont l’imageur Mirim, développé principalement par la communauté française, sous la responsabilité du CNES.

Le CNES chef d'orchestre

Comment fait-on pour embarquer la communauté scientifique française dans une telle mission ? « Les scientifiques s’embarquent tout seuls ! », répond en riant Olivier La Marle, responsable du programme sciences de l’univers au CNES.

« Au départ, il y a eu une réflexion lancée par la NASA concernant le futur télescope James Webb. Et immédiatement les scientifiques américains ont associé à ces réflexions les scientifiques européens avec lesquels ils étaient déjà en réseau du fait de missions antérieures. Ce qu’on appelle la baseline des instruments est toujours définie par les scientifiques en amont », précise Olivier La Marle. Ensuite, les agences doivent endosser la proposition, c’est-à-dire prendre la responsabilité de leurs contributions nationales. Puis, quand le projet est décidé, il faut synchroniser les décisions, d’abord au niveau de la Nasa, puis au niveau des agences partenaires. « En fait dans notre domaine, il y a 2 sortes de chefs d’orchestre. Dans le cas de l’imageur Mirim par exemple, le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) était le maître d’œuvre pour la partie technique et scientifique, et le CNES était le maître d’ouvrage. »

En pratique ? « Le maître d’oeuvre conçoit, assemble et teste l’instrument, assure le suivi de ses performances scientifiques. Le maître d’ouvrage, lui, contrôle et adapte les ressources humaines et le budget français en fonction de l’avancement des développements et des plannings. En cas de difficultés techniques, le CNES apporte aussi l’aide de ses experts internes. »

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Olivier La Marle Crédits : © CNES/PIRAUD Hervé, 2013

Suivi global, financement et fonction support

Desi Raulin est cheffe de projet Webb au CNES. Elle assure le suivi des activités du développement, et de la recette en vol - dite de « commissionning » - phase où l’on suit si tout se passe bien dans le fonctionnement de l’instrument (notamment pour la partie de l’imageur MIRIM). Elle assurera également la conduite du projet en phase d’exploitation scientifique.

Aussi bien pendant la phase de développement de l’instrument que dans la phase d’exploitation scientifique, le CNES intervient à la fois en tant que financeur, et en fonction de besoin, support de ses experts auprès des laboratoires partenaires, ainsi que du reste de la communauté scientifique.

Nous avons ainsi soutenu la création du Centre d’Expertise MICE (Miri Center of Expertise), hébergé au CEA, qui permettra d’accompagner les chercheurs souhaitant utiliser les capacités observationnelles de Miri. Nous avons aussi soutenu la création du site Internet JWST France www.jwst.fr, qui permet d’une part de présenter la mission James Web au grand public, d’expliquer ses résultats importants, et d’autre part qui permet de fournir le support nécessaire à la communauté scientifique pour la préparation et l’exploitation de MIRI.»

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Desi Raulin © CNES/MALIGNE Frédéric, 2021

De concert avec le maître d’oeuvre

L’imageur Mirim, couplé au spectrographe MRS, forme l’instrument MIRI, pour Mid-InfraRed Instrument. Seul instrument du télescope James Webb qui opérera dans l’infrarouge moyen, Miri est le fruit d’une large collaboration européenne. Le CNES a ainsi travaillé de concert avec le CEA, qui avait la responsabilité technique et scientifique vis-à-vis du consortium européen. Pierre-Olivier Lagage, astrophysicien au CEA, travaille sur le projet MIRI depuis 23 ans. Il est le co-PI de l'instrument (co-responsable scientifique). A ce titre il est le responsable scientifique de la contribution française à MIRI. Il travaille lui-même de concert avec Gillian Wright de l'Observatoire Royal d'Edimbourg qui est « Principal Investigator (PI) » et dirige l'ensemble du consortium d’instituts de recherche européens qui participent à MIRI. « Pour le télescope James Webb, le plus important pour les équipes scientifiques était d'obtenir du temps d'observation. Grâce au développement de MIRI, le consortium européen a obtenu 450 heures de temps garanti. Pour toutes les équipes participant au projet, le temps d’observation garanti permet de réaliser les observations qu’ils souhaitent sans passer par les comités de sélection. C’est un incroyable potentiel scientifique ! J'ai la responsabilité de 110 de ces heures qui seront dédiées à mon sujet de recherche central, les exoplanètes, et en particulier l'observation et la caractérisation de leurs atmosphères. »

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Pierre-Olivier Lagage Crédits : CEA

Défendre les intérêts de la communauté scientifique française

Avec le télescope spatial James Webb, le CNES ne s’est pas tenu à la seule fonction de financement, précise d’ailleurs Olivier La Marle.

 L’objectif est de faire que la France retire le plus possible de la mission James Webb.

Olivier La Marle

Le rôle du CNES a ainsi été de défendre, dès l’amont, la contribution des scientifiques français dans les discussions programmatiques entre agences. « En 2002, l’instrument MIRI n’était pas dans la baseline de la mission. Il a fallu un lobbying fort, avec d’autres, pour s’assurer qu’il serait à bord. C’est là véritablement le rôle du CNES : coordonner l’effort national et le porter au-delà des frontières. »

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Crédits : NASA

a propos de webb

Webb observera dans le domaine de l’infrarouge et aura pour objectifs principaux de détecter la lumière des premières étoiles et galaxies apparues après le Big Bang, d’étudier la formation et l’évolution des galaxies, des étoiles et des systèmes planétaires, ainsi que de caractériser l’atmosphère des exoplanètes connues. Il est le plus grand et le plus puissant télescope jamais lancé dans l’espace.

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